Au risque de faire beaucoup de peine à ceux qui le professent depuis des décennies, Gutenberg n’a jamais inventé l’imprimerie : elle existait en chine depuis près de 2000 ans quand il est né !
En revanche, il a inventé le caractère mobile, en plomb ou en bois, permettant de composer un texte et de réutiliser les caractères ensuite pour un autre travail. Mais nous étions au quinzième siècle !
Jusqu’aux années 90 (1990, pas 1590) on apprenait encore le métier de compositeur typographe avec des lettres en plomb, comme celles utilisées par Gutenberg ! Aujourd’hui, tout (ou presque tout), passe d’abord par l’ordinateur.
On parle d’art typographique. C’est l’art d’assembler esthétiquement les lettres et les «blancs», c’est à dire les espaces entres les lettres, les mots ou les lignes. Et même si l’ordinateur, qui permet de vulgariser ce processus, se retrouve dans tous les foyers, la gestion harmonieuse de cet ensemble n’est pas, hélas ! toujours entré avec lui.
La technique a évolué, les objets sont restés. Et même si l’on n’a pas grandi, j’allais dire vieilli, dans l’odeur de l’encre et du papier, on ne peut qu’admirer la beauté de ces caractères en bois ; essentiellement en fruitiers, souvent sculptés à la main, ils sont à la fois très durs pour supporter la contrainte d’une presse (plusieurs tonnes) mais très doux pour accepter un encrage régulier et fournir une impression uniforme. Tous les typographes avaient cette manie de passer une main caressante sur la composition serrée dans son châssis : certes pour y détecter quelque défaut de composition (une lettre ou un « blanc qui lève »), mais aussi inconsciemment pour profiter de ce côté très sensuel de la douceur de la lettre en bois ou en plomb qui s’est docilement (ou non ?) laissé ranger à sa place, prête comme un bon petit soldat, à partir au front pour «noircir du papier ».
Ne parle-t-on pas, dans notre jargon de « l’amour de l’encre et de la lettre ou du papier » pour parler de leur attirance ?